Maman, je ne veux plus être Juif de Harry Bleiberg Epub, PDF

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Au cours de la nuit, ils furent réveillés par un vrombissement lointain, puis ce furent les murs qui tremblèrent sous l’impact des bombes qui explosaient du côté des usines de Marchiennes-au-Pont. — Les Allemands attaquent ! Nous devons partir, avait dit F. A. ne partirait pas. Il voulait attendre, voir ce qui se passe. Malgré l’heure matinale, les rues grouillaient de monde. Toute la ville se vidait, les habitants quittaient leurs habitations, traînant derrière eux tout ce qu’ils pensaient pouvoir emporter. Sur les quais, la foule était dense, agglutinée, hommes, femmes, enfants, chargés de paquets, de couvertures, parfois un nouveau-né dans les bras, prenaient d’assaut les wagons en partance.
Le train fut attaqué et ils durent poursuivre à pied. Aussi loin que portait le regard, on voyait une file ininterrompue de personnes en marche. Ils avançaient seuls, ou par petits groupes. F. et H. s’étaient glissés dans le flux. Ils marchaient côte à côte, fourmis parmi les fourmis qui s'étiraient d’un pas lent, mais régulier, vers Fontaine Valmont. Ils marchèrent plusieurs jours sous un soleil torride. De plus en plus fréquemment, ils tombaient sur des cadavres : chevaux éventrés, hommes, femmes serrant leur enfant dans les bras. Sans nourriture, sans ressources ils durent rebrousser chemin.
Fin octobre 1940, la première ordonnance relative aux Juifs fut promulguée. Un cachet Juif devrait être apposé sur leur carte d’identité et commerçants juifs devaient afficher dans leur vitrine la mention Magasin juif, ils devaient porter une pièce de tissu en forme d’étoile de David, de couleur jaune et portant son centre la lettre J. La Résistance s’organisa et le Comité de Défense des Juifs fut créé début 1942 avec comme but de collecter des fonds afin de soutenir les familles nécessiteuses, mais aussi de préparer à une activité clandestine. Il leur fut bientôt interdit d’aller au cinéma, au théâtre, de s’asseoir sur les bancs du parc, de prendre le tram. L’ordre de déportation tomba.
Auf machen! Polizei ! La maison fut envahie par la Gestapo. Tout le monde était rassemblé dans leur petite salle à manger, au deuxième étage. — Vous n’avez aucun droit de toucher cet enfant, c’est le mien. Elle accompagnait ses paroles de coups violents sur la poitrine du militaire en charge de l’opération, Arthur regardait, atterré : — Laisse, Fela, nous devons partir. F. se retourna vers lui, folle de rage — Qu’oses-tu dire ? Laisser ! Mais laisser quoi ? Qu’on nous sépare, qu’on nous tue ? Alors il devra nous tuer ici, tous ensemble — Mais tout peut encore s’arranger, dit-il timidement. Arthur, tu es aveugle ! Ils vont nous tuer ! Alors, je veux qu’ils nous tuent ici.
Le gestapiste regarda F. pour la première fois dans les yeux et en même temps s'adressa à un subordonné — Nous laisserons Frau Bleiberg et son fils. Nous ne touchons pas les femmes et les enfants !
A et le reste de la famille furent emmenés. F. prit H. par le bras : — Viens, nous devons partir, à partir de maintenant tu seras Henri Courtois, tu te souviendras ? Tes parents ont été tués en 1940, et tu es orphelin. Tu ne devras jamais dire autre chose. Elle allait commencer une vie qu’elle n’aurait pas pu imaginer.
Ils étaient près mille à avoir embarqué dans un train allant vers l’Est. Ils allaient vers la Pologne ! Pour la plupart, ils revenaient à leur point de départ. La nuit était tombée. La locomotive relâchait par à-coups son excès de vapeur. Le train grinça et se remit en marche. Un panneau indiquait Oświęcim. Les wagons oscillaient de gauche et de droite. Les occupants arrivaient à peine à se tenir assis, basculant dans tous les sens. Au loin, des aboiements de chiens. Une lueur illuminait le ciel vers leur droite. Le train s’arrêta et libéra son excédent de vapeur en un chuintement qui annonçait que cette fois, ils étaient arrivés.
— Laissez vos bagages dans le wagon, vous les récupérerez plus tard.

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